Page 11 - L'Actu NMCG 76
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   Arnaud Blanc de la Naulte
et Kevin Kancel Paris
 la salariée reprochait également à la Cour de l’avoir déboutée du versement de son indemnité de congés payés au titre de sa période d’éviction.
2. La position de la Cour de cassation
Tout d’abord, concernant la demande de réintégration, la Haute Cour a rappelé qu’au sens de l'article L. 2422-1 du Code du travail, le salarié protégé dont le licenciement est nul en raison de l'annulation de l'autorisation administrative doit être, s'il le demande, réintégré dans son emploi ou un emploi équivalent, sauf démonstration d’une impossibilité absolue de réintégration.
C’était ici le point névralgique de cette affaire, puisque tenu par son obligation de sécurité dont participe l'obligation de prévention du harcèlement moral, l'employeur estimait être dans cette impossibilité, la salariée étant en réalité la supérieure hiérarchique des plaignants.
La Haute Cour a donc à juste titre estimé, que, dans un tel contexte, avec des salariés qui soutenaient avoir été victimes de harcèlement moral allant même
jusqu’ à exercer leur droit de retrait, l’employeur, eu égard à son obligation de sécurité notamment en matière de prévention de harcèlement moral, justifiait bien d’une impossibilité de réintégration, et qu’en conséquence la cour d'appel avait légalement justifié sa décision.
D’autre part, concernant la demande indemnitaire de la salariée, la Haute Cour a rappelé que cette indemnité correspond à la totalité du préjudice subi au cours de la période d’éviction et que ce paiement s'accompagne du versement des cotisations afférentes, laquelle constitue un complément de salaire.
Adoptant la position inverse de la Cour d’Appel, elle en a donc déduit « que cette indemnité ouvre droit au paiement des congés payés afférents », de sorte que la salariée était en droit d’en bénéficier.
3. La portée de cet arrêt
C’est donc la première fois que la Haute Cour adopte cette position, puisqu’une fine analyse des dernières décisions jurisprudentielles en la matière laissait supposer une réintégration de la salariée « quoi qu’il en coûte », la juridiction ayant toujours reconnu très restrictivement la notion d’impossibilité absolue de réintégration.
En effet, sur ce point, elle a longtemps considéré que la simple opposition de salariés présents dans l’entreprise à la réintégration d’un collaborateur dont l’autorisation de licenciement avait été annulée n’était pas, à elle seule, de nature caractériser une impossibilité de réintégration, et ce même si ces derniers se plaignaient de faits de harcèlement moral. (Cass. soc., 24 juin 2014, n° 12-24.62)
Ainsi, si cette décision, n’est pas totalement synonyme de revirement jurisprudentiel, elle vient tout de même ouvrir une brèche importante afin de répondre à un conflit de principes entre le droit à la réintégration et l’obligation de sécurité.
Une décision à nos yeux fort logique, le salarié licencié demeurant indemnisé de son préjudice mais n’ayant plus de capacité de nuire à l’entreprise et à ses salariés.
Il était de bon ton de rappeler que la réintégration n’est pas un principe absolu. Et il convient d’espérer que cette jurisprudence s’élargisse car, d’une manière ou d’une autre, une réintégration n’est pas une indemnisation, mais une sanction qui gangrène autant l’entreprise que ceux qui la composent.
  Droit social 11


















































































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