Page 9 - L'Actu NMCG 76
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   Arnaud Blanc de la Naulte
et Roman Guichard Paris
 moins [qu’elle le frappe], après coup, et sur le seul coup du ressentiment et de la colère – et non pour [se]défendre comme [elle le prétendait] -, en public, en plein service, aux temps et lieux du travail, et ce quelque éminemment injustifié qu’ait été son propre comportement antérieur à votre endroit. »
2. La procédure
En appel, la Cour retenait que les faits de violence commis par la salariée étaient fautifs, mais qu’ils étaient survenus en réaction à une agression de son collègue, outre l’existence d’un « contexte émotionnel », duquel participe le contexte professionnel propre au pôle 115.
Elle en concluait que la faute grave n’était pas caractérisée et infirmait le jugement du Conseil de prud’hommes de Cergy Pontoise, qui l’avait auparavant déboutée de toutes ses demandes.
En cassation, la Cour n’a pas repris l’expression mais valide le principe : la violence de la salariée n’avait été commise qu’en « réaction à l'agression subite et violente dont elle avait été victime de la part » d’un collègue, un contexte de « tension psychologique et de fréquentes altercations », ce qui ne caractérisait pas nécessairement une faute grave.
3. Analyse
1. En principe, les violences physiques ne sont pas tolérées dans l'entreprise. Le plus souvent les juges qualifieront de tels agissements de faute grave ou, plus rarement, lourde.
Les menaces d'agression ou encore de mort constituent assurément une faute disciplinaire justifiant le plus souvent le licenciement.
La jurisprudence a ainsi pu retenir que les violences physiques (Cass. soc., 18 janv. 2011, n° 09-67.164) peuvent constituer une faute grave, tout comme les menaces
d'ordre physique (Cass. soc. 26 sept. 2012, n° 11-19.765. ; Cass. soc. 26 juin 2013 n° 12-13.227).
2. L’appréciation de la gravité des faits par le juge dépend de plusieurs critères.
Est pris en considération notamment le rôle du salarié concerné (prépondérant ou non, Cass. soc., 29 mars 1994, n° W 93-40.112) et assez classiquement de son passé disciplinaire (Cass. soc., 22 sept. 1993, n° 92-40.695 J).
L’origine des actes de violences est aussi déterminante. Selon que le salarié a joué un rôle déclencheur ou réactionnel, les juges peuvent requalifier son licenciement en faute simple (Cass. soc., 15 févr. 1978, n° 75-40.772 : Bull. civ. V, n° 106), ou même considérer que sa réaction à une agression n’était pas fautive (Cass. Soc., 17 novembre 2010 - n° 09-41.399).
3. C’est bien le cas en l’espèce, puisque la Cour de cassation relève que les faits de violence s’étaient produits en réaction à l’agression de son collègue.
De plus, elle reconnait le rôle du contexte professionnel de « tension psychologique et de fréquentes altercations » pour relativiser la gravité des actes de violence physique.
4. Une telle solution est empreinte d’un grand relativisme, certainement critiquable.
Ce relativisme peut d’ailleurs parfois heurter l’opinion publique.
Cela avait été le cas lorsque le Conseil de prudhommes de Paris avait replacé l’injure « PD » « dans le contexte du milieu de la coiffure », pour retenir qu’il n’avait pas une portée homophobe « car il est reconnu que les salons de coiffure emploient régulièrement des personnes homosexuelles, notamment dans les salons de coiffure féminins, sans que cela ne pose de problèmes ». (CPH. Paris, sect. commerce ch. 4, 16 déc. 2015, n° F 14/14901)
En transposant le raisonnement de la Cour de cassation, qui semble appeler à apprécier avec moins de sévérité les actes de violence commis dans un contexte professionnel tendu violent, peut-être que la logique de ce jugement -malheureusement devenu définitif- aurait reçu un accueil positif de la Cour régulatrice...
De telles solutions pourraient être mal interprétées, comme déplaçant le curseur de la violence légitime vers la sphère privée.
Elles sont d’autant plus critiquables qu’elles exposent l’employeur a une grande insécurité juridique, puisque ce sera finalement lui qui sera amener à assumer des indemnisations, et non l’auteur des violences.
  Droit social 9











































































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