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Olivier Castellacci et Jenny Pradelles
Nice
» qui, selon elle, est « sans lien direct » avec la destination contractuelle du local.
Or, une telle affirmation est pour le moins surprenante lors que l’on sait que seule la destination contractuelle permettait précisément de faire le tri entre les établissements dits « essentiels » et ceux dits « non essentiels. »
2. Etatd’urgenceetobligationsdubailleurs
Il ressort de l’article 1719 du code civil que le bailleur est tenu de délivrer la chose louée à son locataire et de lui en garantir la jouissance paisible, conformément à sa destination contractuelle.
Le bailleur est-il pour autant tenu des conséquences de la non-exploitabilité des locaux lorsque celle-ci est due à des causes qui ne lui sont pas imputables et qui sont extérieures à la chose louée ?
La Cour de cassation a répondu par la négative, en indiquant que « l’effet de cette mesure générale et temporaire (...) ne peut être (...) imputable aux bailleurs, de sorte qu’il ne peut leur être reproché un manquement à leur obligation de délivrance ».
Les commerçants ne peuvent donc pas davantage se prévaloir du mécanisme de l’exception d’inexécution pour obtenir l’annulation le paiement de leurs loyers.
Cette décision rompt ainsi avec une partie de la doctrine civiliste, et privilégie l’acception matérielle de l’obligation de délivrance.
3. Etatd’urgenceetforcemajeure
L’article 1218 du code civil dispose que « Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur. Si l’empêchement est temporaire, l’exécution de l’obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat ».
Par un motif d’une grande brièveté, la Cour de cassation a jugé que « la cour d’appel a exactement retenu que la locataire, débitrice des loyers, n’était pas fondée à invoquer à son profit la force majeure ».
Si ce moyen avait vraisemblablement peu de chance de prospérer, il aurait été rigoureux de la part de
la Cour de cassation de motiver sa décision, par exemple en rappelant l’arrêt de principe de sa chambre commerciale rendue le 16 septembre 2014 (n°13-20.306) aux termes de laquelle il avait été jugé que « le débiteur d’une obligation contractuelle de somme d’argent inexécutée qui, par nature, est toujours susceptible d’exécution, ne peut s’exonérer de cette obligation en invoquant un cas de force majeure. »
4. Etatd’urgenceetbonnefoi
L’article 1104 du code civil dispose que : « les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. »
La bonne foi relève toutefois de l’appréciation des juges du fond, ce que n’a pas manqué de rappeler la Cour de cassation.
En tout état de cause, s’il est fréquent de voir annuler des commandements délivrés de mauvaise foi ou de voir sanctionner par des dommages et intérêts l’attitude abusive d’un bailleur, la Cour de cassation n’a jamais admis que le principe de bonne foi puisse porter atteinte à la force obligatoire du contrat et partant, à l’exigibilité même des loyers.
Ces trois arrêts de principe semblent marquer le clap de fin de l’affaire des « Loyers Covid », anéantissant les espoirs des commerçants dits « non essentiels » qui s’étaient battus pour obtenir l’annulation de leurs loyers lorsqu’ils avaient été contraints de fermer leurs portes au public.
Il n’est toutefois pas exclu que la résistance s’organise dans certaines cours d’appel.
D’autres fondements pourraient également être soulevé.
On pense notamment à l’imprévision, consacrée à l’article 1195 du code civil, qui offre plusieurs issues en cas de déséquilibre du contrat causé par un changement de circonstances qui n’était pas prévisible lors de sa conclusion.
Droit des affaires 27