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  sorte qu’ils ne pouvaient constituer un exercice abusif de sa liberté d’expression. • dès lors, il n’était donc pas nécessaire d’examiner les autres griefs invoqués dans la lettre de licenciement. Ainsi, la Haute juridiction juge que le caractère illicite du motif du licenciement prononcé, même en partie, en raison de l’exercice par le salarié de liberté d’expression, entraîne à lui seul la nullité du licenciement. ► Une première application du principe de l’effet contaminant à la liberté d’expression En d’autres termes, par cet arrêt, la Cour de cassation applique le principe du motif contaminant lequel veut que l’illicéité d’un seul motif rende le licenciement nul, celui-ci contaminant les autres griefs. Or, la Cour avait pu considérer dans d’autres décisions que le juge doit en principe examiner tous les motifs invoqués dans la lettre de licenciement laquelle fixe les limites du litige et que la rupture peut être jugée légitime, même si l’un deux est jugé non réel et sérieux. (Cass. soc.,5 juill. 2000, n°98-43521 ; Cass. soc., 23 septembre 2003, n° 01-41.478 ; Cass. soc.,12 janv. 2005, n°02-47323 ;; Cass. soc., 7 mars 2006, n° 04-42.472) ► Etlebonsens? Toutefois, ces deux arrêts susmentionnés ne concernaient pas une liberté fondamentale, de sorte que l’on ne pouvait en conclure de facto que les principes dégagés seraient applicables au licenciement susceptible d’être entaché d’une nullité. Ainsi, dans son arrêt du 29 juin 2022, la Cour de cassation apporte des précisions non négligeables puisqu’elle applique pour la première fois le principe du motif contaminant à la violation de la liberté d’expression. Toutefois, cette décision n’est guère surprenante eu égard la jurisprudence rendue jusqu’alors par la Cour de cassation en matière d’autres violations de droits ou libertés fondamentales. En effet, que ce soit en matière de harcèlement moral, de discrimination en raison de l’activité syndicale ou en cas de violation du droit pour le salarié d’exercer une action en justice, la Cour de cassation avait déjà eu l’occasion de juger qu’un grief, constitutif d’une atteinte à une liberté fondamentale entrainait à lui seul la nullité du licenciement, sans qu’il n’y ait lieu d’examiner les autres griefs invoqués par l’employeur pour vérifier l’existence d’une cause réelle et sérieuse de licenciement. (Cass. soc., 10 mars 2009, n° 07- 44.092 ; Cass. soc., 31 mars 2010, n° 07-44.675 ; Cass. soc., 2 juin 2010, n° 08-40.628 ; Cass. soc., 3 février 2016, n° 14-18.60)   Comme très fréquemment, nous nous interrogeons sur le bon sens de ce type de décisions. Est-il légitime que la violation d’un droit dit « fondamental », ici la liberté d’expression donc, puisse éteindre tout un ensemble de griefs sans aucun rapport ? Nous ne le pensons pas, et ce pour deux raisons. La première tient au fait qu’il revient finalement à juger qu’un salarié qui aurait volé 150.000 euros dans la caisse de l’entreprise devrait être réintégré (effet de la nullité s’il en fait la demande) et/ou obtenir une indemnisation qui peut s’avérer conséquente sous le seul prétexte qu’un seul des griefs concernait une liberté fondamentale qui aurait été violée.  Droit social 11 


































































































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