Page 10 - NMCG85
P. 10
en partie, en raison de l’exercice par le salarié de sa liberté d’expression non abusive, entraine à lui seul la nullité du licenciement. (Cass. soc., 29 juin 2022, n°20-16.060) Dans cette affaire, un salarié a été embauché en qualité d’ingénieur adjoint au directeur technique au sein de la société Sucrière agricole de Maizy, devenue Tereos Syral, avant d’être transféré au sein d’une filiale du groupe, puis d’être promu en qualité de Directeur générale d’une filiale roumaine de ce même groupe. ► La critique de la gestion économique d’une entreprise et la dénonciation d’infractions graves au droit du travail, sont-elles constitutives d’un abus ? Le salarié saisissait ainsi le Conseil de prud’hommes à l’encontre de son ancien employeur aux fins de solliciter la requalification de son licenciement en licenciement nul ainsi que la condamnation de ce dernier au paiement de diverses sommes. Par un arrêt du 7 mai 2020, la Cour d’appel d’Amiens a infirmé le jugement rendu le 5 janvier 2018 par le Conseil de prud’hommes en ce qu’il a considéré que le licenciement était pourvu d’une cause réelle et sérieuse, et requalifiait le licenciement du salarié en licenciement nul raison de la violation de la liberté d’expression. Dans ces circonstances, l’employeur formulait un pourvoi considérant que la Cour d’appel avait privé sa décision de base légale, dès lors qu’elle n’avait pas examiné les autres griefs dénoncés dans la lettre de licenciement. Celui-ci rappelait notamment qu’outre un abus par le salarié de sa liberté d’expression, il lui était également reproché de ne pas avoir établi un rapport circonstancié sur les dysfonctionnements constatés en matière de sécurité et de corruption, de n’avoir pris aucune mesure pour y remédier alors que cela relevait de sa fonction de Directeur et qu’au contraire, il avait même tenté de se défausser en suggérant de confier à son adjoint une délégation de pouvoir en matière de sécurité. L’employeur soulignait également qu’il aurait fait l’objet d’un chantage de la part du salarié, lequel lui aurait demandé d’être licencié et qu’à défaut, il communiquerait des informations en interne et en externe sur la situation de la filiale en Roumanie. ► Quid du sort des autres motifs du licenciement en cas d’illicéité de l’un d’eux ? Par un arrêt du 29 juin 2022, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par l’employeur considérant que : • les propos tenus par le salarié sur la gestion désastreuse de la filiale n’étaient ni injurieux, ni excessifs, ni diffamatoires à l’encontre de l’employeur ou du supérieur hiérarchique, de Le 2 décembre 2016, le salarié a alors alerté sa hiérarchie sur des problèmes majeurs de sécurité et de corruption imputables à la gestion antérieure au sein de la filiale roumaine, sans réponse. Aux termes d’un courrier du 23 décembre 2016, le salarié dénonçait non seulement la gestion désastreuse de la filiale roumaine sur le terrain économique et financier mais également de nombreuses infractions graves et réitérées à la législation sur le droit du travail. Il soulignait par ailleurs l’absence de réaction de sa hiérarchie qu’il avait alerté préalablement, la mettant donc en cause. Le 20 janvier 2017, l’employeur prononçait son licenciement pour faute grave qu’il fondait sur trois griefs, dont l’un visant l’abus par le salarié de sa liberté d’expression au motif que les propos qu’il avait tenus constituaient, selon lui, des propos excessifs. Droit social 10