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  Par suite, le courrier d’engagement, prévoyant en cas de révocation pour juste motif une indemnité forfaitaire égale à six mois de la rémunération brute fixe, n’a pu valablement venir déroger à cette « disposition statutaire claire ».
Il en résulte que le DG pouvait être révoqué à tout moment sans qu’aucun motif ne soit nécessaire.
Le DG, débouté en appel, forme un pourvoi en cassation au motif que la Cour d’appel aurait méconnu l’engagement extra-statutaire pris par l’associé unique et violé les dispositions précitées.
En effet, ce dernier considère que la Cour d’appel a commis une erreur de droit en considérant que seuls les statuts d’une société par actions simplifiée fixent les modalités de révocation de son directeur général, empêchant ainsi l’associé unique de déroger aux dispositions statutaires par un acte extra-statutaire, pourtant valable.
ii. L’avis de la Cour de cassation
Selon la Cour de cassation, « il résulte de la combinaison des articles L. 227-1 et L. 227-5 du code de commerce que les statuts de la société par actions simplifiée fixent les conditions dans lesquelles la société est dirigée, notamment les modalités de révocation de son directeur général. Si les actes extra-statutaires peuvent compléter ces statuts, ils ne peuvent y déroger. »
En conséquence, elle confirme le raisonnement développé par la Cour d’appel de Paris et déboute le DG de son pourvoi.
La Cour de cassation affirme donc la compétence de principe des statuts dans l’établissement des conditions de direction d’une SAS.
Sur ce point, la solution n’est pas nouvelle.
Aux termes d’un arrêt récent et que nous avions eu l’occasion de commenter dans l’Actu by NMCG du mois de mars 2022, la Cour de cassation a considéré que les conditions de la révocation des dirigeants de SAS relèvent, dans le silence de la loi, de la compétence des statuts, « qu’il s’agisse de ses causes ou de ses modalités ».
Il en résulte que sauf prévision contraire des statuts, le principe est la révocation ad nutum, sans juste motif, des dirigeants (Com. 9 mars 2022, n° 19-25.795).
Au cas particulier, la Cour de cassation pousse encore plus loin son raisonnement puisque sans exclure le recours à des règles extra-statutaires pour l’organisation de la direction de la SAS, elle limite leur contenu.
En effet, elle considère que si « les actes extra- statutaires peuvent compléter ces statuts », ils ne peuvent pas s’y substituer.
Cette solution trouve donc son application dans l’hypothèse où la clause des statuts et celle de l’acte extra-statutaire ont le même objet, et que ces clauses retiennent des solutions contradictoires.
Il est également important de noter que le raisonnement appliqué ne semble pas exiger que les parties aux deux actes en cause soient rigoureusement identiques. Combiné au terme « extra-statutaire », cela confère à la solution une portée potentiellement très étendue, englobant ainsi probablement les pactes d’actionnaires.
  En interdisant à un acte extra-statutaire de déroger aux clauses des statuts d’une SAS qui fixent les conditions dans lesquelles la société est dirigée, la Cour de cassation semble en outre considérer que la seule voie ouverte à l’associé unique (ou aux associés) est celle de la modification statutaire, dans le respect des processus applicables au droit des sociétés.
 Droit des affaires 22


















































































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