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La cour d’appel a donc déclaré l’action recevable et estimé que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, condamnant l’employeur à régler à la salariée diverses indemnités.
L’employeur a alors formé un pourvoi en cassation.
Devant la Haute Cour, l’employeur :
• soutenait que l’état de santé de la salariée n’était pas constitutif d’un cas de force majeure, dans la mesure où le 10 février 2016, celle-ci lui avait adressé un courrier circonstancié pour contester la date d’effet de son licenciement, sollicitant sa réintégration,
• critiquait par ailleurs les certificats médicaux produits par la salariée.
Toutefois, la Cour de cassation rejette ce moyen invoqué par la société (même si elle vient casser et annuler l’arrêt d’appel au regard d’un second moyen soulevé par l’employeur ne faisant pas l’objet du présent article).
Plus précisément, la Cour, se fondant sur l’article 2234 du Code civil, reprend les constatations faites par la cour d’appel selon lesquelles la salariée démontrait qu’elle s’était trouvée dans l’impossibilité d’agir du fait de l’aggravation de son état de santé à compter de février 2016, de sorte que son action intentée en février 2018 était recevable.
Ainsi, la chambre sociale de la Cour de cassation admet, à notre connaissance pour la première fois, que l’état de santé du salarié puisse justifier la suspension du délai de prescription en matière de contestation de licenciement.
Cette solution apparait en contradiction avec la position adoptée jusqu’alors par la Cour de cassation puisque cette dernière qui ne reconnait que très rarement le cas de force majeure avait notamment pu préciser par le passé que :
• ne caractérisait pas une impossibilité d’agir suspendant le délai de prescription :
» l’isolement, les charges familiales et le faible niveau culturel du salarié (Cass. Soc. 26 avril 1984, n° 82-15.956) ;
» l’incertitude du demandeur sur sa situation juridique (Cass. Soc. 17 novembre 2010, n° 09- 65.081).
• la suspension du cours de la prescription ne court pas lorsque le titulaire de l'action disposait encore, à la cessation de l'empêchement, du temps nécessaire pour agir avant l'expiration du délai de prescription (Cass. Civ 1ère, 13 mars 2019, 17-50.053 : à noter que dans cette affaire, le demandeur au pourvoi invoquait la suspension du cours de la prescription du fait de ses périodes d’hospitalisation successives).
Surtout, s’il n’est pas question de contester l’état de santé de la salariée dans ce litige, le fait que celui- ci caractérise un cas de force majeure n’en demeure pas moins critiquable, tant il conduit potentiellement à un infléchissement notoire des règles permettant de caractériser cette notion, et in fine, remettre en cause le principe de la prescription.
Une telle solution pourrait en effet nécessairement conduire à des dérives, d’autant plus face à la recrudescence de certificats médicaux de complaisance.
Suffira-t-il donc dorénavant à un salarié de fournir un simple certificat médical pour contourner les règles relatives à la prescription ?
Seul l’avenir nous le dira.
Ce qui est certain, c’est qu’une telle décision, certes isolée, apporte un lot d’incertitudes sur l’application des règles de prescription dont les employeurs se seraient bien passés.
Droit social 12