Page 11 - NMCG89
P. 11

   Arnaud Blanc de la Naulte
et Tiphaine Dubé Paris
 Si les deux premières causes de suspension restent des notions clairement définies, la force majeure, qui relève de l’appréciation au cas par cas des juridictions et apparait plus difficile à appréhender au regard notamment des critères qui la définissent, à savoir : l’imprévisibilité, l’irrésistibilité et l’extériorité.
De ce fait, la question se pose de savoir quelle situation est susceptible de caractériser un évènement de force majeure ?
La Cour de cassation a apporté de nouvelles précisions sur ce point dans un arrêt inédit du 25 janvier 2023 qui aurait pu passer inaperçu (celui-ci ayant été rendu en formation restreinte et n’étant pas publié), mais dont la solution pourrait potentiellement amorcer un véritable revirement si celle-ci était confirmée par la suite.
2. Sur la solution rendue par la Cour de cassation dans son arrêt du 25 janvier 2023
Dans cette affaire, une salariée avait été licenciée pour cause réelle et sérieuse par lettre recommandée avec accusé de réception du 2 novembre 2015, son employeur lui reprochant divers manquements dans le cadre de l’exécution de ses missions.
La salariée avait saisi la juridiction prud’homale le 2 février 2018 aux fins de contester la rupture de son contrat, soit au-delà du délai de prescription prévu à l’article L.1471-1 du Code du travail (étant précisé que la version de cet article applicable au moment du litige prévoyait alors un délai de prescription de 2 ans).
Par jugement du 21 octobre 2019, la formation de départage du Conseil de prud’hommes de Nancy (qui était donc présidée par un magistrat professionnel) avait déclaré l’action de la salariée irrecevable car prescrite.
La salariée, avait interjeté appel de ce jugement.
En cause d’appel, celle-ci prétendait :
• que son contrat de travail avait été suspendu jusqu’au 12 mai 2016 (date à laquelle la Commission de recours amiable de la CPAM avait rejeté sa demande de prise en charge au titre de la législation professionnelle de son accident survenu le 2 novembre 2015) et que les effets de son licenciement avaient été reportés à l’expiration de la période de suspension de son contrat de travail
en application de l’article 2234 du Code civil ;
• qu’entoutétatdecause,elles’étaittrouvée«entre 2016 et 2018, dans l’incapacité totale de gérer ses démarches administratives, étant victime de phobie administrative suite à son burn out de juillet 2015 et d’attaques de panique avec une aggravation de son état en février 2016 », invoquant donc ici la force majeure.
La société soutenait quant à elle qu’elle avait été informée de l’accident de la salariée postérieurement à l’envoi de la lettre de licenciement et contestait la force majeure invoquée par l’appelante, en vertu de laquelle elle se serait trouvée, en raison de sa maladie, dans l’impossibilité de saisir le Conseil de prud’hommes avant le 2 février 2018.
Dans un arrêt rendu le 15 avril 2021, la cour d’appel n’a pas fait droit au premier moyen de la salariée, jugeant que son contrat de travail avait déjà été rompu au moment où celle-ci avait informé l’employeur de la survenance de son accident.
  Pour autant, au regard des certificats médicaux de son médecin psychiatre qu’elle avait produits, les juges du fond ont retenu le second moyen en estimant que l’état de santé de la salariée et son aggravation en 2016 était constitutif d’une force majeure et l’avait « empêché d’engager toute procédure, suspendant la prescription de l’action en contestation de son licenciement entre la date du licenciement, postérieure à son hospitalisation pour burn out, et la date de sa saisine du conseil des prud’hommes ».
Droit social 11

















































































   9   10   11   12   13