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   Laurent Courtecuisse et Mathilde Charton Paris
  Covid-19 et loyers commerciaux : primauté de la règle spéciale
CA Paris, 3 juin 2021, n° 21/01679
Les mesures spéciales prises par le législateur compte tenu de la crise sanitaire dérogent aux règles générales du Code civil permettant aux locataires d’échapper au règlement des loyers dus lors du confinement du printemps 2020 en invoquant la perte des locaux loués.
 Si, pendant la durée du bail, les locaux loués sont partiellement détruits, le locataire peut, suivant les circonstances, demander une diminution du prix ou la résiliation du bail (C. civ. Art. 1722).
L’exploitant d’un magasin non alimentaire a été contraint de fermer totalement ses portes au public entre le 16 mars et le 11 mai 2020, première période de confinement instaurée en France. Il ne s’est, par ailleurs, pas acquitté des loyers dus au titre du second trimestre 2020.
Le propriétaire du local a pratiqué une saisie-attribution sur le compte bancaire du locataire, pour recouvrer le loyer du deuxième trimestre 2020 impayé.
Par décision du 20 janvier 2021, le Juge de l’Exécution de Paris (JEX 20-1-2021 no 20/80923) a ordonné la mainlevée de cette saisie, estimant qu’en raison de l’impossibilité juridique d’exploiter les lieux loués, assimilable à la perte des locaux loués, le locataire ne pouvait pas se voir réclamer le paiement de loyers dus pendant le premier confinement.
La Cour d’appel de Paris a infirmé ce jugement sur le fondement de la règle selon laquelle la règle spéciale écarte la règle générale.
En effet, elle considère qu’ il résulte de l’article 4 des ordonnances 2020-306 et 2020-316 du 25 mars 2020 (relative au paiement des loyers afférents aux locaux professionnels des entreprises dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie de Covid-19) que le législateur a entendu prendre en compte les conséquences
pour les bailleurs et les locataires de la fermeture des commerces au printemps 2020, instaurant donc un texte spécial.
L’application de ce texte spécial excluant de ce fait, au sens de la cour d’appel, la possibilité pour le locataire d’invoquer les dispositions de l’article 1722 du Code civil précité.
Par ailleurs, aux termes de son arrêt, la Cour d’appel de Paris soulève le fait que si ces dispositions ont notamment pour objet d’éviter l’acquisition au profit des bailleurs de clauses résolutoires, elles n’ont pas eu pour effet de suspendre l’exigibilité du loyer dû par un locataire commercial dans les conditions prévues au contrat.
L’analyse de la Cour d’appel apparait toutefois extrêmement sévère pour le locataire, puisqu’au surplus, en l’espèce, le locataire ne répondait pas aux critères d’éligibilité prévus pour bénéficier de l’article 4 de l’ordonnance 2020-316 précitée.
De manière moins étonnante, la Cour d’appel de Paris a également écarté les arguments du locataire sur les fondements de l’exception d’inexécution, de défaut de délivrance conforme et de force majeure.
Par conséquent, elle a validé la saisie-attribution qui avait été pratiquée sur les comptes bancaires du locataire.
Reste à savoir si la Cour de cassation validera ce raisonnement.
Droit des affaires 15

















































































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