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Cyril Tournade et Lisa Fréour Nantes
2. La décision d’annulation de la marque par l’EUIPO
Afin de contourner cette impossibilité de se prévaloir de la protection accordée par le droit d’auteur, l’artiste a, par le biais de la société Parent/legal guardian for the artist Banksy déposé l’œuvre « Flower Thrower » à titre de marque de l’Union Européenne.
Cependant, l’EUIPO a constaté que le titulaire de la marque avait fait preuve de mauvaise foi lors de l’enregistrement de la marque dans la mesure où il n’avait pas l’intention d’utiliser le signe à titre de marque, c’est-à-dire afin de garantir l’origine d’un produit ou service.
La mauvaise foi du déposant a été constatée par l’EUIPO laquelle a pris la décision d’annuler ladite marque.
Dans le cas présent, la mauvaise foi de Banksy a été constatée par plusieurs éléments au rang desquels :
• Les propos de Banksy qui faisaient état de l’absence de protection de ses œuvres par le droit d’auteur et incitaient les utilisateurs à jouir de ses œuvres sans contrainte ;
• Le paradoxe dont l’artiste a fait preuve en sollicitant une protection illimitée par le droit des marques alors que la protection par le droit d’auteur est limitée dans le temps ;
• L’artiste a, afin de contourner les dispositions légales qui nécessitent d’apporter la preuve de l’utilisation de la marque dans les cinq années suivant son dépôt, créé un site marchand lequel ne permettait en réalité pas (ou très difficilement) d’acquérir une œuvre de l’artiste. De même, l’artiste a tenté de contourner cette obligation en apportant la preuve de l’ouverture d’un magasin commercialisant ses œuvres lequel était en réalité inaccessible au public.
Il résulte de ces différents éléments que l’artiste a utilisé le droit des marques afin de se ménager un monopole d’exploitation sur un signe, passant outre la fonction essentielle de la marque, qui doit permettre aux consommateurs d’identifier l’origine commerciale des produits ou services marqués et de distinguer ces produits/services de ceux des concurrents.
L’ensemble de ces éléments a convaincu l’EUIPO de la mauvaise foi de Banksy lors de l’enregistrement de la marque litigieuse et amené l’EUIPO à annuler la marque litigieuse sur le fondement de l’article 59 du Règlement sur la marque de l’Union Européenne 2017/1001.
Ainsi, à l’occasion de cette décision, l’EUIPO rappelle que le titulaire de la marque doit être de bonne foi et respecter la finalité du dépôt de marques, à savoir garantir l’origine commerciale des produits ou services marqués.
Un artiste anonyme ne saurait donc se prévaloir des dispositions du droit des marques pour obtenir, sur son œuvre, une protection alternative au droit d’auteur.
Le portefeuille de marque déposé par Banksy afin de protéger ses œuvres anonymes est donc particulièrement menacé. Cette décision est également l’occasion de rappeler que la protection accordée par le droit d’auteur ne doit pas être négligée.
Droit des affaires 19