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Olivier Castellacci et Jenny Pradelles Nice
Concurrence déloyale : une application
singulière du principe de la réparation intégrale
du préjudice
« Tout le préjudice, rien que le préjudice », c’est ce qu’a, une nouvelle fois, rappelé la chambre commerciale de la Cour de cassation, par un arrêt du 12 février 2020, n°17-31.614, publié au bulletin, rendu en matière de concurrence déloyale, avant d’admettre que lorsque le préjudice est particulièrement difficile à démontrer, celui-ci pourra être évalué en tenant compte de l’avantage indu que s’est octroyé l’auteur des faits.
Une nouveauté en droit de la responsabilité civile qui supposait jusqu’alors que la victime ne soit indemnisée qu’à hauteur de son préjudice, sans perte ni profit.
Par un arrêt du 7 juillet 2021, n°20-11.146, la chambre commerciale de la Cour de cassation a confirmé son revirement de jurisprudence : même sans perte de chiffre d’affaires, la société qui démontre avoir subi un acte de concurrence déloyal doit être indemnisée, cette indemnisation étant alors calculée au regard de l’avantage perçu par l’auteur de l’acte de concurrence déloyale.
L’équilibre instaurée par la réparation du préjudice, qui vise à replacer la victime dans une situation la plus proche possible de celle où elle se serait trouvée si l'acte dommageable n'avait pas eu lieu, se trouve donc nécessairement rompu.
Un préjudice présumé faute de pouvoir être démontré
En matière de concurrence déloyale, il n’est pas toujours aisé de rapporter la preuve d’un préjudice.
Des difficultés probatoires liées à la nature même du préjudice tiré de l’avantage concurrentiel peuvent ainsi apparaître.
Si la désorganisation de l’entreprise et le détournement de clientèle vont généralement induire des conséquences économiques négatives pour la victime, à savoir un manque à gagner ou une perte de chance, le parasitisme, ou autrement dit le fait de tirer profit des initiatives, des efforts et de la réputation d’un concurrent afin de conquérir sa clientèle, ou encore le non-respect d’une règlementation obligatoire, vont générer un trouble économique difficile à quantifier, sauf à engager des frais d’expertise disproportionnées au regard des intérêts en jeu.
La jurisprudence admet ainsi, de longue date, que le préjudice subi en matière de concurrence déloyale puisse être présumé lorsque la preuve du préjudice est difficile à rapporter.
S’est néanmoins longtemps posé la question de la manière dont le préjudice devait être évalué, la jurisprudence
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