Page 5 - lactu nmcg - n73 sept 2021
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Arnaud Blanc de la Naulte
et Marie Astrid Bertin Paris
La décision était confirmée par la Cour d’appel de Versailles.
La société décidait alors de se pourvoir en cassation.
Devant la Cour de cassation, elle faisait valoir les arguments suivants pour contester la condamnation au versement d’une telle amende :
• le seul fait pour un employeur, qui est tenu de garantir aux salariés le bénéfice des droits à congés maladie ou maternité, à congés payés ou repos que leur accorde la loi, de recourir à des CDD de remplacement de manière récurrente, voire permanente, ne saurait suffire à caractériser un recours systématique aux CDD pour faire face à un besoin structurel de main d’œuvre et pourvoir durablement un emploi durable lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.
Dès lors, le Tribunal ne pouvait condamner la société tout en constatant que les CDD avaient toujours été conclu pour remplacer un salarié absent, peu important finalement le nombre de CDD souscrits et leur répétition.
• le chiffre d’emplois permanents convenu avec l’ARS et le conseil départemental avait été respecté par la société, de sorte que le Tribunal aurait dû exclure tout élément intentionnel.
Ces arguments n’ont pas abouti, la Cour de cassation considérant que ce chiffre n’avait rien de contraignant et constituait un plancher, et non un plafond empêchant cette société de recruter davantage de personnel en CDI.
La Cour de cassation relève notamment que le nombre et la durée des contrats, renouvelés, sans interruption, notamment pour quatre des salariés plus particulièrement concernés, pourvoyaient à des emplois liés à l’activité générale et permanente de l’établissement.
Elle précise également que le nombre de CDD conclus, leur durée cumulée, la nature des emplois concernés et la structure des effectifs ne permettent pas de démontrer une raison objective de renouvellement de CDD pour répondre à des besoins temporaires, mais caractérisent, au contraire, une volonté d’avoir à disposition une main- d’œuvre flexible, ces éléments caractérisant l’infraction reprochée.
Cela étant, celle-ci est critiquable dans la mesure où elle ne tient pas compte des difficultés rencontrées par les employeurs pour faire face à la gestion d’absences, parfois de longue durée, de certains salariés.
En effet, dans ce cas précis, il peut paraître plus opportun de remplacer un salarié absent par un salarié en CDD plutôt qu’en CDI, et ce, pour éviter de se retrouver dans une situation de sureffectif au retour du salarié absent. Il ne s’agit donc pas d’une volonté d’avoir à disposition une main d’œuvre flexible, mais de la mise en œuvre d’une possibilité offerte par la loi pour faire à des absences.
On regrette que la chambre criminelle ne tienne pas compte de ces réalités.
Cette décision invite donc malheureusement à la plus grande prudence en ce qui concerne la conclusion de CDD successifs pour remplacer des salariés absents.
Ce d’autant plus qu’il faut garder à l’esprit que les salariés qui estiment avoir été engagés en CDD de manière abusive peuvent saisir le Conseil de prud’hommes afin d’obtenir la requalification de leurs contrats en CDI et ainsi solliciter le versement d’une indemnité de requalification, les indemnités de rupture et le cas échéant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La note finale peut donc s’avérer « salée » si une attention particulière n’est pas prêtée en interne sur le sujet.
Cette décision est conforme à la jurisprudence rendue en la matière par la Cour de cassation ; la chambre criminelle affirmant régulièrement que le CDD ne peut avoir d’autre objet que de pourvoir un emploi présentant par nature un caractère temporaire (Cass. Crim. 6 mai 2008, n°06-82.366).
Droit social 5