Page 11 - L'Actu NMCG 74
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Arnaud Blanc de la Naulte et Rim Jebli Paris • Que son licenciement soit jugé comme étant dépourvu de cause réelle et sérieuse ainsi que des dommages et intérêts y afférents. Autrement dit, la Cour de cassation va considérer que l’employeur ne pouvait soutenir que les heures supplémentaires relevaient de son pouvoir de direction, et en déduire que le salarié ne pouvait refuser d’en réaliser, sauf à commettre à une inexécution fautive de son contrat de travail. En revanche, la Haute juridiction va casser et annuler, en toutes ses dispositions l’arrêt de la Cour d’appel en rappelant qu’en l’espèce, l’horaire collectif était fixé par l’employeur dans l’exercice de son pouvoir de direction et que la Cour aurait dû vérifier si nonobstant le droit du salarié de refuser des heures supplémentairesfixéesendébutdematinée, ce dernier respectait les contraintes de l’horaire collectif affiché. Une telle solution ne manque pas de surprendre puisque jusqu’alors, la jurisprudence estimait que le recours aux heures supplémentaires relevait du pouvoir de direction et que le salarié ne pouvait refuser de s’y soumettre sauf abus tel que le dépassement de l’amplitude maximale, le dépassement du contingent d’heures supplémentaires sans l’avis des représentants du personnel etc... Si l’on sort du débat théorique, en pratique, que doit faire l’employeur pour sécuriser le recours aux heures supplémentaires ? Au regard de cette jurisprudence inédite, l’employeur devra, pour éviter toute difficulté, s’assurer de recueillir par écrit l’accord du salarié en cas de recours systématique aux heures supplémentaires afin que ne puisse pas lui être reproché une modification de la durée de travail. A contrario, dès lors que le recours aux heures supplémentaires reste ponctuel, il n’y a pas lieu de solliciter l’accord du salarié. Dans ce cas précis, on rebasculera vers la jurisprudence classique de la Cour de cassation laquelle considère que le recours aux heures supplémentaires relève du pouvoir de direction de l’employeur et que le refus du salarié de réaliser ces heures constitue une inexécution fautive de son contrat de travail justifiant une sanction disciplinaire, voire son licenciement. Un détail à noter également dans cet arrêt : l’employeur avait respecté le contingent annuel d’heures supplémentaires, ce qui, pourtant, n’a pas empêché la Cour de cassation de considérer qu’il avait recouru de manière systématique aux heures supplémentaires. En réalité, ce qui est sanctionné par les juges ce n’est pas tant le recours aux heures supplémentaires, mais l’augmentation hebdomadaire de la durée de travail. Toutefois, reste à pouvoir définir une limite. A partir de quand doit-on considérer que le recours aux heures supplémentaires devient « systématique » au point qu’il doit s’analyser en une modification du contrat de travail ? A l’aune de cet arrêt, la jurisprudence constante selon laquelle la demande d’effectuer des heures supplémentaires dans la limite du contingent ne constitue pas une modification du contrat de travail ne semble en tout état de cause plus d’actualité. (Cass.soc., 9 mars 1999, n°9643718) Dans l’attente de précisions, il conviendra cependant de rester vigilant. Mais cet arrêt pose une première base : passer de 35 à 39h par le truchement des heures supplémentaires ne peut masquer la modification du contrat de travail. La Cour de cassation va confirmer l’analyse faite par la Cour d’appel en considérant qu’en recourant systématiquement aux heures supplémentaires, l’employeur avait prolongé la durée du travail de 35 heures à 39 heures, ce qui constituait une modification du contrat de travail subordonnée à l’accord express du salarié. Droit social 11