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   Arnaud Blanc de la Naulte
et Tiphaine Dubé Paris
  Par ailleurs, au-delà de ces enregistrements, dans le cadre de l’enquête menée en parallèle auprès du personnel, d’autres collègues de travail attestaient :
• avoir été également victimes de tels faits de voyeurisme ;
• avoir constaté que le collaborateur en question suivait des clientes ou d’autres salariées se rendant aux toilettes.
C’est au regard de l’ensemble de ces éléments que la Société avait notifié au salarié son licenciement pour faute grave, laquelle était retenue par le Conseil de prud’hommes.
Devant la Cour d’appel, ce dernier sollicitait que soient écartées toutes les pièces relatives au visionnage des images issues des caméras de sécurité en l’absence :
• d’autorisation préfectorale1,
• de consultation des représentants du personnel,
• d’information des salariés,
• et de déclaration auprès de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL)2.
La Cour d’appel, suivant partiellement le raisonnement du salarié, retenait que :
• le système de vidéosurveillance avait été mis en place pour assurer la sécurité des locaux dans une zone de stockage, de sorte qu’aucune déclaration de la CNIL ni aucune autorisation préfectorale n’était requise ;
• en revanche, le couloir placé sous vidéosurveillance s’avérait être un lieu de passage des salariés, qui l’empruntaient soit pour se rendre aux toilettes, soit pour accéder au lieu de stockage des marchandises, de sorte que la consultation des représentants du personnel ainsi que l’information des salariés était nécessaire.
Selon les juges du fond, à défaut pour la Société de démontrer qu’elle avait procédé à ces deux formalités, les enregistrements constituaient un mode de preuve illicite.
La Cour, écartant donc des débats les pièces relatives aux enregistrements des caméras de sécurité (à savoir le procès-verbal du constat de l’huissier ayant procédé au visionnage des images ainsi que la partie des attestations de salariés en faisant état), avait jugé le licenciement du salarié comme étant sans cause réelle et sérieuse.
Dans le cadre de son pourvoi, l’employeur soutenait que la Cour d’appel, en retenant que le couloir constituait un lieu de passage sans vérifier si les caméras mises en place avaient pour finalité de contrôler l’activité des salariés, avait privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1222-4 et L. 2323-32 du Code du travail (dans sa rédaction applicable à la cause).
La Cour de cassation, rappelant les dispositions de l’article L.1222-4 du Code du travail, valide le raisonnement développé par l’employeur. Ainsi, elle casse et annule la décision des juges du fond, et renvoie l’affaire pour un nouvel examen au fond devant la Cour d’appel de Paris autrement composée.
  1A noter que l’obligation de déclarer le dispositif de vidéosurveillance à la préfecture ne s’applique que lorsque le dispositif a vocation à filmer la voie publique ou un lieu ouvert au public.
2Depuis le 25 mai 2018 et la mise en place du RGPD, aucune déclaration particulière n’a à être faite auprès de la CNIL lorsque le dispositif filme un lien non ouvert au public, mais le celui-ci doit être inscrit dans le Registre des activités de traitement.
Cet arrêt, qui s’inscrit dans une jurisprudence constante de la Cour selon laquelle les images des caméras mises en place pour assurer la sécurité des locaux constitue un mode de preuve parfaitement licite aux fins d’établir le comportement fautif d’un salarié (Cass. soc., 31 janv. 2001, no 98-44.290 ; Cass. soc., 19 avril 2005 n° 02-46.295 ; Cass. soc. 26 juin 2013 n° 12-16.564 ; Cass. soc., 11 déc. 2019, no 17-24.179), rappelle qu’il est important d’opérer la distinction entre :
• le système de vidéosurveillance utilisé pour contrôler l’activité des salariés, soumis à des règles de mise en place très strictes et ne pouvant notamment être utilisé comme mode de preuve si sa mise en œuvre n’a pas préalablement fait l’objet d’une consultation des représentants du personnel et d’une information des salariés ;
• et le système de vidéoprotection utilisé pour assurer la sécurité des locaux, lequel peut être utilisé comme moyen de preuve pour établir la faute d’un salarié sans qu’il ne soit nécessaire d’avoir préalablement consulté les représentants du personnel et informé les salariés sur l’existence du dispositif.
 Droit social 5











































































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