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Arnaud Blanc de la Naulte
et Maureen Curtius Paris
du Travail (il disposait pour cela d’un délai de 2 mois à compter de celle-ci) mais a saisi le juge judiciaire, soit le Conseil de prud’hommes, le 8 juin 2015, en invoquant l’illégalité de la décision d’incompétence de l’inspection du Travail....
Revenons donc en arrière.
L’Inspecteur du Travail s’est déclaré incompétent, le 11 décembre 2014 au motif que, du fait de l’invalidité, le salarié n’était plus protégé. La décision était ainsi motivée :
«lesalarién’exerceplussesfonctionsdepuis plus d’un an, que ce fait, les conditions requises à l’article L 2411-3 du Code du Travail pour prétendre à la protection post- mandat ne sont pas remplies, le salarié n’est donc plus protégé ».
Le salarié ne partage pas cette analyse des textes et s’en ouvre auprès du juge judiciaire : selon lui il bénéficiait d’une protection post-mandat pendant 12 mois, soit jusqu’en février 2015, de sorte que
son licenciement ne pouvait intervenir qu’après autorisation de l’Inspecteur du Travail, la décision d’incompétence étant donc entachée « d’illégalité manifeste ».
Il est parfaitement entendu par le juge judiciaire, en appel, qui relève que :
• l’arrêt maladie et l’invalidité du salarié sont une cause de suspension du contrat, mais pas une cause de suspension et encore moins de cessation du mandat : le salarié est donc resté délégué syndical jusqu’aux élections professionnelles de février 2014.
• postérieurement au mandat, le salarié est protégé durant un an, soit jusqu’en février 2015.
L’addition devient salée pour l’employeur puisque – alors même qu’il avait saisi l’inspecteur du Travail qui s’est déclaré incompétent et a donc licencié sans son autorisation – il se retrouve obligé de régler notamment des
indemnités pour licenciement nul et violation du statut protecteur...
L’employeur qui pensait avoir suivi la procédure à la lettre se retrouve donc à devoir sortir un billet de plus de 70.000 euros (le salarié avait 33 ans d’ancienneté...)
La CARSAT forme un pourvoi en cassation estimant que le principe suivant, existant depuis 1923, n’a pas été respecté :
« si, en cas de contestation sérieuse portant sur la légalité d’un acte administratif les tribunaux de l’ordre judiciaire statuant en matière civile doivent surseoir à statuer jusqu’à ce que la question préjudicielle de la légalité de cet acte soit tranchée par la juridiction administrative, il en va autrement lorsqu’il apparait manifestement, au vu d’une juridiction établie, que
la contestation peut être accueillie par le juge saisi au principal » (T. confl., 16 juin 1923, n°00732 ; T. confl, 17 oct 2011, n°3828).
La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel et redonne son plein effet au principe susvisé et à la nécessaire séparation des pouvoirs.
En effet, il n’y a aucune illégalité « manifeste » (autrement dit aussi évidente que le nez au milieu de la figure) puisque le juge d’appel a dû faire une réelle analyse de la situation de fait et procéder à une interprétation approfondie. Il aurait dû surseoir à statuer et interroger la juridiction administrative :
« En statuant ainsi, alors que la décision d’incompétence contestée indiquait seulement que «le salarié n’exerce plus ses fonctions depuis plus d’un an, que
Droit social 5