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   Arnaud Blanc de la Naulte
et Rim Jebli Paris
 » Tout manquement ouvre droit à réparation ?
Par un arrêt du 19 janvier 2022, la Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt rendu par la Cour d’appel mais seulement en ce qu’il a débouté les salariés de leur demande indemnitaire au titre de l’atteinte à leur droit à l’image.
Pour ce faire, la Haute juridiction va rappeler dans un premier temps qu’il résulte des dispositions de l’article 9 du Code civil que toute personne dispose d’un droit sur la captation de son image, sa reproduction et son utilisation, puis dans un second temps, va juger que la seule constatation de l’atteinte au droit à l’image ouvre « droit à réparation ».
En d’autres termes, par cette décision, la Cour de cassation considère que les salariés n’ont nullement besoin de démontrer l’existence d’un préjudice résultant du délai de suppression de la photographie en question.
A cet égard, il est important de noter que par deux arrêts en date du 2004 et 2015, la Cour de cassation avait déjà eu l’occasion de se prononcer à ce sujet en concluant que la seule constatation de l’atteinte au droit à l’image ouvrait droit à réparation. (Cass.soc., 2 juin 2015 n° 20-13753; Cass.soc., 30 juin 2004, n°03-13416)
» Quand l’exception devient le principe ?
Toutefois, par un arrêt du 13 avril 2016, la Cour de cassation avait banni la notion de « préjudice nécessaire » considérant que tout préjudice doit être justifié et établi, par des éléments matériels objectivement vérifiables, excluant ainsi toute réparation forfaitaire en l’absence de démonstration d’un préjudice. (Cass. soc., 13 avr. 2016, no 14-28.293).
Si ce principe dégagé par la Cour de cassation avait pu souffrir de quelques rares exceptions, il n’en demeurait pas moins que celles-ci restaient marginales et exceptionnelles.
Néanmoins, il n’est pas inutile de rappeler que par deux arrêts en date du 12 novembre 2020, la Haute juridiction avait déjà eu l’occasion de juger que l’atteinte à la vie privée ouvrait droit à réparation, sans qu’il soit nécessaire de démontrer un préjudice. (Cass.soc., 12 novembre 2020, n°19-20583)
Dans cette affaire, la Cour de cassation avait considéré qu’en produisant un message privé Facebook, l’employeur avait porté atteinte à la vie privée de sa salariée et devait, en conséquence, être condamné sans qu'il ne soit nécessaire, pour la salariée, de démontrer son préjudice. (Cass.soc., 12 novembre 2020, n°19-20583)
De même, dans une autre décision rendue en matière de droit de la presse, la 1ere chambre civile de la Cour de cassation avait eu l’occasion d’indiquer qu’en commercialisant des clichés non autorisés, une société de presse avait automatiquement porté atteinte à la vie privée du demandeur, et que cette atteinte ouvrait droit à réparation sans qu’il ne soit nécessaire là encore de démontrer une faute ou un fait dommageable. (Cass. 2 juin 2021, n°20-13753)
Dès lors, il apparait sans surprise que l’arrêt du 19 janvier 2022 s’inscrit dans la droite ligne des jurisprudences de la Cour de cassation rendues en matière d’atteinte au droit à l’image.
  Reste à s’interroger sur la portée de cet arrêt et sur le point de savoir :
• si la jurisprudence de 2016 selon laquelle toute demande
 indemnitaire subordonnée à la démonstration d’un préjudice, est finalement toujours d’actualité auquel cas l’atteinte au droit à l’image reste une exception marginale,
• ou dans le cas contraire, l’arrêt du 19 janvier 2022, comme ceux qui l’ont précédé, marque- t-il un infléchissement définitif de la jurisprudence de la Cour de cassation ?
est
Droit social 5















































































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