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Valérie Tazé Nantes
Une gestion sociale émancipée de la rigueur légale : la SAS et sa gouvernance
La société par actions simplifiée (ci-après dénommée«SAS»)secaractériseparlagrande liberté laissée aux associés pour l’organisation, le fonctionnement et les règles en général applicables à la société. Le contrat social peut régler et organiser nombre de problématiques.
A ce titre on retrouve la présidence de la SAS : la seule obligation faite aux associés s’agissant de la gouvernance de la société correspond à la nomination d’un président. La direction de la société est organisée statutairement (article L.227-5 du Code de commerce). L’article suivant poursuit en admettant qu’un directeur général ou un directeur général délégué puisse se voir transférer des pouvoirs qui seraient normalement dévolus au président.
Il est de jurisprudence constante que les statuts sont les seuls à pouvoir fixer les conditions de direction d’une SAS, voir en ce sens déjà Cass. com., 25 janvier 2017, 14-28.792 confirmé par Cass. com., 20 nov. 2019, n° 18-17787.
En outre, il est autorisé de nommer en qualité de président une personne physique ou même une personne morale (ce qui est impossible en SARL par exemple où la gérance doit être assurée par une personne physique, L.223-18 C.om) et ce en vertu de l’article L.227-7 du Code de commerce.
Ensuite, ce président peut être un associé ou ne pas l’être. Les statuts doivent prévoir les modalités de sa nomination qui peut être faite par l’assemblée générale ou un organe tiers.
S’agissant de la rémunération du dirigeant elle est rarement insérée dans les statuts pour des raisons de convenance (la modification ultérieure de sa rémunération entrainerait la modification des statuts) et de confidentialité. Elle peut par exemple être fixée lors d’une assemblée générale ultérieure.
Dès lors il n’est pas étonnant que la Cour de cassation ait pu dire le 9 mars dernier qu’en l’absence
de prévision conventionnelle le président de SAS pouvait être révoqué sans juste motif (Cass. com., 9 mars 2022, 19-25.795). Cette décision a largement été commentée, et notamment dans l’Actu by NMCG de mars 2022, pages 23-24. Aussi, brièvement, il convient de signaler que les juges du droit se sont contentés d’une lecture a minima : le silence des statuts sur la révocation du dirigeant de SAS vaut révocation ad nutum.
Cette solution renforce d’autant la différence de la SAS par rapport à la SA et la SARL s’agissant des dirigeants et de leur révocation. Tant en SA qu’en SARL la gérance – au travers pour la première du directeur général (L.225-55 C.com) et du gérant pour la seconde (L.223-25 C.com) – ne peut être révoquée que sur un juste motif sous peine pour la société de devoir verser des dommages-intérêts au révoqué.
Dans la vie sociale d’une société, la vacance d’un dirigeant peut entrainer un blocage du fonctionnement de la société. Aussi, en SAS, il peut être nommé un directeur général pour pallier à son absence. Si un directeur général n’est pas nommé par la société il y a lieu pour les associés de passer par un mandataire ou le juge pour faire nommer un nouveau président.
Afin de contrer un tel blocage la jurisprudence a adopté une position souple s’agissant de la nomination d’un mandataire ad hoc chargé de convoquer l’assemblée générale extraordinaire. La seule condition à la nomination judiciaire dudit mandataire est la conformité à l’intérêt social de la société (voir en sens Cass. com., 13 janvier 2021, pourvois nos 18-24.853 et 19-11.302).
Une troisième voie semble cependant avoir été trouvée en décembre dernier. L’ANSA (Communication n°21-040 du comité juridique du 1er déc. 2021) est venue dire, en matière de SAS, que le successeur du président peut être désigné nommément à l’avance, soit par les statuts, soit par la décision nommant le président. Cette possibilité offerte aux SAS permet de pallier l’interdiction de la coprésidence, contrairement aux SARL permettant la cogérance.
Il est offert une grande autonomie aux associés de SAS. Autonomie dont se sont emparés les praticiens du droit. A cet effet, ils ont pu formuler et formater des clauses permettant d’anticiper les objectifs des actionnaires. Il s’agit dès lors de rédiger avec précision et clarté les statuts. Ces derniers règlementent les conditions de gouvernance de la société.
Droit des affaires 29