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   Olivier Castellacci et Jenny Pradelles Nice
 2. Les obligations « juridiques » de délivrance
La jurisprudence exige que le local permette l'exploitation par le locataire de l'activité prévue par le contrat.
Cette obligation implique non seulement que le local soit matériellement en mesure de permettre l'exercice de l'activité prévue par le contrat de bail, mais également qu'il réponde aux exigences légales, au regard des contraintes de la copropriété, des règles d'urbanisme et des normes administratives pour l'exercice de cette activité.
Il appartient par conséquent au bailleur de prendre en charge les travaux nécessaires à cette mise en conformité.
Fort heureusement, la jurisprudence admet que le bailleur puisse transférer au locataire la charge de ces travaux et ainsi être déchargé de cette obligation.
La portée d’une telle clause est toutefois limitée par la lecture exigeante qu'en fait la jurisprudence.
Elle doit en effet, pour produire effet, être suffisamment précise dans la description des obligations transférées, et est, dans la mesure où elle déroge aux principes prévus par le code civil, d'interprétation stricte (Cass., 3ème civ., 29 septembre 2010, n°09-69.337).
Le bailleur n'est donc déchargé de ses obligations qu'en cas de clause expresse et suffisamment précise. (Cass., 3ème civ., 19 avril 1989, n°87-14.535, publié au bulletin ; Cass., com., 13 décembre 1994, n°93-10.594 ; Cass., 3ème civ., 29 janvier 2002, n°00-16.600).
Ainsi, les clauses stipulant que le preneur prendra les lieux « en l'état » sans pouvoir exiger aucuns travaux, et mettant à la charge du preneur toutes les réparations, ne peuvent avoir pour effet, en l'absence de stipulation expresse, notamment :
• de mettre les travaux de sécurité ou de mise en conformité prescrits par l'administration à la charge du preneur (Cass., 3ème civ., 22 avril 1980, n°78-13.301, publié au bulletin ; Cass., 3ème civ., 12 mars 1989, n°83-16.406, publié au bulletin)
• de mettre à la charge du preneur les réparations dues à la vétusté (Cass., 3ème civ., 8 février 1978, n°76.11.395, publié au bulletin, Cass., 3 novembre 2016, n°15-24.799)
Il s’agit donc d’une obligation lourde à la charge du bailleur.
En revanche, la Cour de cassation juge que l’obligation de délivrance n’implique pas le maintien d’un environnement commercial favorable (Cass., 3ème civ., 12 juillet 2020, n°98-23.171, publié au bulletin ; Cass., 3ème civ., 13 juin 2001, n°99-17.989, publié au bulletin).
L’obligation n’est donc pas absolue.
Il convient de rappeler qu’en toute hypothèse et depuis la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 dite Loi Pinel, les « grosses réparations » visées à l’article 606 du Code civil demeurent exclusivement à la charge du Bailleur, sans aucune possibilité d’aménagement dans le bail.
A la suite de la crise sanitaire s’est ainsi posée la question de l’obligation de délivrance du bailleur en raison des fermetures administratives ordonnées pour lutter contre l’épidémie de Covid-19.
Le locataire pouvait-il se prévaloir d’une exception d’inexécution, au visa de l’article 1719 du code civil, au motif qu’il a été placé dans l’impossibilité de jouir des locaux loués et donc d’exploiter son activité ?
En effet les contours de l’article 1719 du code civil pourrait être redessinés à l’aune de ces fermetures administratives.
De nombreux locataires de locaux commerciaux se sont emparés de cet article afin de tenter d’obtenir une exonération du paiement de leur loyer.
A ce jour si la jurisprudence des juridictions de première instance était très aléatoire, les cours d’appel se sont montrées davantage réticentes à admettre l’exception d’inexécution soulevée (CA Paris, 12 mai 2021, n°20/17489 ; CA Lyon, 13 avril 2022, n°21/01573).
Pour autant, la Cour de cassation, qui sera sans aucun doute saisie de cette question, pourrait créer la surprise.
 Il convient de rester sur ce point particulièrement vigilent tant que la haute juridiction n’a pas pris position sur l’applicabilité de cette obligation de délivrance aux fermetures administratives liées à la gestion de la crise sanitaire.
 Droit des affaires 27











































































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