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Laurent Courtecuisse
et Mathilde Charton Paris
Conditions d’opposabilité de la cession de
contrat au débiteur
Cass. com., 9 juin 2022, n° 20-18.490
1. Queditlaloi?
Le Code civil consacre, depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, une section entière à la cession de contrat (C. civ., art. 1216 à 1216-3).
L’article 1216 du Code civil dispose ainsi :
« Un contractant, le cédant, peut céder sa qualité de partie au contrat à un tiers, le cessionnaire, avec l’accord de son cocontractant, le cédé.
Cet accord peut être donné par avance, notamment dans le contrat conclu entre les futurs cédant et cédé, auquel cas la cession produit effet à l’égard du cédé lorsque le contrat conclu entre le cédant et le cessionnaire lui est notifié ou lorsqu’il en prend acte ».
2. Danslesfaits
Dans la présente affaire, un contrat de location financière avait été souscrit pour une durée de douze mois, moyennant un loyer mensuel de 202,80 euros TTC.
Le même jour, la société de financement a cédé ce contrat à une autre société.
La locataire a cessé presque immédiatement de payer les loyers.
La société cessionnaire a alors :
• dansunpremiertemps,misendemeurelalocataire de s’acquitter des loyers impayés,
• àdéfautderèglement,arésiliélecontrat,
• enfin, a assigné la locataire en paiement des échéances dues.
La locataire a entendu contester cette assignation, en soulevant notamment devant le Tribunal de commerce saisi, le défaut de qualité à agir de la société cessionnaire.
Le Tribunal de commerce saisi a rejeté cette fin de
non-recevoir, considérant que la société cédante avait cédé ce contrat conformément aux conditions générales du contrat de location qui prévoyaient cette faculté.
Insatisfaite de ce jugement, la locataire s’est pourvue en cassation (le litige portant sur un montant inférieur à 10.000 €, la décision du Tribunal de commerce a été rendue en dernier ressort).
3. L’avisdelaCourdecassation:lepaiement = prise d’acte
Au soutien de son pourvoi en cassation, la locataire affirmait que la validité de la cession à son égard était conditionnée à sa connaissance de ladite cession, soit par une notification directe, soit par une prise d’acte spontanée de sa part (article 1216 du Code civil).
Or, selon elle, le Tribunal n’avait pas relevé ce point.
La question était donc la suivante : la cession du contrat de location financière était-elle opposable à la locataire dont le contrat avait été cédé ?
La Cour de cassation a rejeté le pourvoi au visa des dispositions de l’article 1216 du Code civil.
Elle a ainsi rappelé que lorsqu’un contractant (le cédant) cède sa qualité de partie au contrat à un tiers (le cessionnaire), et que son cocontractant (le cédé) a donné son accord à cette cession par avance, la cession ne produit effet à l’égard du cédé que si le contrat conclu entre le cédant et le cessionnaire lui est notifiée ou lorsqu’il en prend acte.
Cependant en l’espèce, et comme l’avaient relevé les juges de première instance, la locataire cédée avait payé le loyer du mois de juillet 2017 directement entre les mains du cessionnaire.
Par cette circonstance, la Cour de cassation considère que la locataire avait alors pris acte de la cession.
La société cessionnaire avait donc bien qualité à agir en paiement à l’encontre de la locataire, au titre du contrat en cause.
Droit des affaires 18