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   Cyril Tournade et Marie Bunouf Nantes
  Existe-t-il une obligation de renégocier ?
La Cour de cassation considère, depuis le 6 mars 1876, qu’il n’appartient pas aux tribunaux de prendre en considération le temps et les circonstances pour modifier les conventions des parties et substituer des clauses nouvelles à celles qui ont été librement acceptées par les contractants.
  Dans le célèbre arrêt « Canal de Craponne », un ingénieur avait construit un canal d’irrigation et conclu, au 16ème siècle, de nombreux contrats avec des habitants qui souhaitaient arroser leurs champs grâce à l’eau du canal. Au sein de ces contrats, il était prévu que les habitants versaient une redevance au propriétaire du canal en contrepartie du droit d’arrosage.
Au cours du 19ème siècle, les descendants du propriétaire du canal ont souhaité renégocier le montant de la redevance, considérant qu’elle était devenue trop faible pour couvrir les frais d’entretien du canal.
La Cour de cassation a considéré que « dans aucun cas, il n’appartient aux tribunaux, quelque équitable que puisse apparaître leur décision », de prendre en considération le temps et les circonstances pour modifier les conventions des parties et substituer des clauses nouvelles à celles qui ont été librement acceptées par les contractants ».
De façon concrète, la Cour de cassation a considéré que les juges ne pouvaient pas s’immiscer dans les contrats, y compris lorsque l’équilibre du contrat était bouleversé en raison d’un changement de circonstances économiques.
Cette jurisprudence a toutefois été bouleversée par la réforme du droit des contrats, intervenue par ordonnance en date du 10 février 2016.
En effet, l’article 1195 du Code civil consacre la théorie de l’imprévision en prévoyant que :
« Si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l'exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n'avait pas accepté d'en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation.
En cas de refus ou d'échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu'elles déterminent, ou
A noter : En dépit de cette position jurisprudentielle sévère, les Tribunaux ont toujours admis la possibilité pour les parties d’aménager contractuellement le contrat (clause de hardship, clause de renégociation...). Ces clauses s’avéraient toutefois hasardeuses dans l’hypothèse où le rédacteur n’avaient pas délimité le périmètre de la clause (procédure de renégociation, sort du contrat pendant la renégociation, conséquences de l’échec... ).
Droit des affaires 19






















































































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