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  demander d'un commun accord au juge de procéder à son adaptation. A défaut d'accord dans un délai raisonnable, le juge peut, à la demande d'une partie, réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu'il fixe. »
Cette disposition légale permet donc à une partie de solliciter une renégociation auprès de son cocontractant et, dans le cas où aucun accord ne pourrait être trouvé, de saisir le Tribunal pour solliciter la révision ou la résiliation du contrat.
Toutefois, la mise en œuvre de cet article est soumise à deux conditions cumulatives :
1. L’existence d’un changement de circonstance imprévisible lors de la conclusion du contrat ;
2. Le caractère excessivement onéreux de l’exécution du contrat (le fait que la contrepartie soit devenue insuffisante ne suffit pas à remplir la seconde condition).
Si les deux conditions de l’article 1195 sont réunies, les parties ont-elles une obligation de renégocier ?
NON. L’article prévoit la possibilité pour une partie de refuser la renégociation, ce qui implique qu’il est impossible de forcer une partie à négocier. Toutefois, ce refus entraînera d’autres conséquences : la révision judiciaire ou la résiliation judiciaire du contrat.
La doctrine s’interroge toutefois sur la possible indemnisation du préjudice subi par la partie lésée par le refus de renégocier, étant précisé que ce point n’a pas été tranché par la doctrine. Une partie de la doctrine considère qu’il faudrait appliquer le régime applicable aux pourparlers précontractuels, et indemniser ainsi la perte de chance. Une autre partie considère, au contraire, qu’il n’est impératif de protéger la liberté contractuelle, laquelle comprend notamment le droit de ne pas conclure. Dans les deux cas, l’évaluation du préjudice subi semble malaisée puisqu’il faudrait élaborer un scénario contrefactuel pour déterminer la valeur de la chance perdue.
Si les deux conditions de l’article 1195 ne sont pas réunies, les parties ont-elles une obligation de renégocier ?
NON MAIS...la jurisprudence n’hésite pas à sanctionner la partie qui continue à exiger l’exécution du contrat alors qu’il y a eu un changement de circonstance affectant l’autre partie (plus particulièrement pour les contrats de longue durée). La jurisprudence considère ainsi que l’obligation de loyauté impose aux parties de proposer une alternative pour permettre de poursuivre l’exécution du contrat dans des conditions
qui conviennent à chacune des parties.
Toutefois, il est important de préciser que l’obligation de renégocier n’implique pas une obligation de conclure (Arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation 3 octobre 2006, 04-13214), mais seulement de prendre part de bonne foi à une discussion et de proposer des alternatives acceptables :
• Cour d’appel de Riom, 2 mars 2021, n°20/01418 : La Cour d’appel a considéré que le bailleur n’avait pas commis de faute en refusant de renoncer aux loyers dus pendant les périodes de fermeture administrative liées à la crise sanitaire puisqu’il avait proposé un échelonnement des loyers restant dus, ce qui permettait de démontrer sa bonne foi ;
• Cour de cassation, Chambre commerciale, 15 mars 2017, n°15-16406 : La Cour de cassation a considéré que la responsabilité contractuelle du franchiseur était engagée dès lors qu’il n’avait pas fait de propositions acceptables à son franchisé pour lui permettre de pérenniser leur collaboration ;
• Cour de cassation, Chambre commerciale, 15 janvier 2022, n°99-21172 : La Cour de cassation a sanctionné un fabricant automobile qui, dans le contexte de l’effondrement du marché automobile, avait imposé des sacrifices à ses concessionnaires sans consentir lui-même le moindre sacrifice alors qu’il en avait la possibilité.
Quelles issues pour la renégociation ?
La renégociation peut déboucher sur trois issues :
1. Succès : les parties concluent un avenant, ce qui leur permet de maintenir leur lien contractuel tout en adaptant les conditions de leur collaboration ;
2. Accord transactionnel : les parties constatent qu’elles ne peuvent plus travailler dans les conditions fixées initialement mais ne trouvent pas de solution pour y remédier. En tel cas, les parties peuvent se rapprocher pour conclure une transaction (ou « protocole d’accord transactionnel »), laquelle encadrera les modalités de fin de leur collaboration. Attention, la validité de la transaction nécessite que les parties se consentent des concessions réciproques ;
3. Echec : Si aucun accord ne peut être trouvé entre les parties, le contrat continue d’être exécuté dans les conditions initialement fixées. La partie lésée peut toutefois décider de résilier le contrat à ses risques et périls, ce qui implique qu’une action judiciaire peut être mise en œuvre par le contractant qui estimerait que la résiliation est fautive.
 Droit des affaires 20














































































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