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Laurent Courtecuisse et Mathilde Charton Paris Le gérant de la société de deux-roues et son épouse se sont rendus cautions solidaires des engagements ainsi souscrits. La société de deux roues est ensuite tombée en liquidation judiciaire. La société-fournisseur et prêteuse a alors assigné les cautions en paiement de la somme restant due au titre de ce qu’elle qualifie « d’avance sur remises ». La Cour d’appel de Paris a considéré que les avances sur remises consenties constituaient bien une opération de crédit au sens de l’article L. 313-1 du code monétaire et financier ce qui revenait donc à violer l’interdiction de l’article L. 511-5 du même code cité précédemment. En effet, le contrat d’achat de produits prévoyait expressément une « avance » ainsi qu’un « montant du prêt de 30 000 euros avec un TEG de 4,50 % l’an », et les « modalités de remboursement » prévues se concrétisaient en des annuités de 6 833 euros chaque 31 décembre. Par ailleurs, le fournisseur reconnaissait lui-même pratiquer ce système d’avance avec l’essentiel de sa clientèle. La Cour d’appel a donc jugé que le contrat souscrit en violation du monopole bancaire devait être annulé, sur son volet relatif au crédit. La société-fournisseur s’est pourvue en cassation au motif qu’il n’y avait pas de crédit, mais simplement des délais ou avances de paiement. Ainsi et selon elle, il ne s’agissait pas en l’espèce d’une opération purement financière, mais bien d’un complément indissociable du contrat d’approvisionnement exclusif entrant dans le champ de son activité habituelle. Elle fait également grief à l’arrêt d’avoir annulé le contrat alors que la seule violation du monopole bancaire n’implique pas la nullité des contrats conclus. 3. Avis de la Cour de cassation La première difficulté pour la Cour de cassation consistait à déterminer si les faits à l’origine du pourvoi constituaient une opération de crédit ou non. En fonction de cette qualification, il est alors possible de se prononcer sur la violation ou non du monopole bancaire tel que prévu à l’article L. 511-5 du code monétaire et financière. La Cour de cassation a repris à son compte les indices soulevés par la Cour d’appel de Paris : Elle a fait sien, notamment, l’argument selon lequel l’intitulé du contrat litigieux était « avance lubrifiants montant du prêt». Certes, le juge n’est pas lié par la dénomination de l’acte mais il s’agissait d’un indice sur la volonté des parties. Par ailleurs, ce prêt était accompagné d’un « taux d’intérêt élevé » et le contrat faisait référence au taux effectif global « mentionné dans tout écrit constatant un contrat de prêt ». Enfin, les juges d’appel avaient remarqué que la société indiquait pratiquer habituellement ce type de prêts auprès de sa clientèle. La réunion de l’ensemble de ces éléments a emporté la conviction Droit des affaires 25