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Une nouvelle procédure de conciliation est alors ouverte, sans succès cette fois. Une procédure de redressement judiciaire est alors ouverte et convertie ensuite en liquidation judiciaire.
La banque produit sa créance au passif de la société puis, à la suite de son admission par le juge- commissaire, assigne le dirigeant – caution solidaire en paiement.
Pour s’opposer à cette demande et solliciter la condamnationdelabanqueàdesdommages-intérêts, le dirigeant excipe notamment du comportement fautif de cette dernière lors du déroulement de la seconde procédure de conciliation.
Afin d’étayer ce comportement fautif, le dirigeant produit des mails échangés par la banque et le conciliateur -dont il était en copie dans le cadre de la seconde procédure de conciliation.
Au visa de l’article L. 611-15 du code de commerce, la cour d’appel de Toulouse déboute le dirigeant de ses demandes après avoir écarté l’ensemble des pièces relatives au déroulement de la procédure de conciliation qu’il avait produites, en ce compris les échanges de mails précités.
Ledirigeants’estalorspourvuencassationauxmotifs que :
(i) l’obligation de confidentialité édictée en matière de procédure de conciliation ne s’applique qu’à l’égard des tiers et non entre les parties à une telle procédure ;
(ii) en tant que partie à la procédure de conciliation et destinataire des échanges produits, ces derniers ne pouvaient revêtir un caractère confidentiel à son égard ;
(iii) les pièces relatives à la conciliation étaient indispensables à l’exercice de son droit à la preuve et proportionnées aux intérêts en présence. De sorte qu’en les écartant du débat, la cour d’appel l’a privé de son droit à un procès équitable, tel qu’édicté par l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
ii. L’avis de la Cour de cassation
La Cour de cassation écarte les deux derniers arguments ci-dessus mentionnés, pour concentrer son argumentation sur le premier.
Elle rappelle tout d’abord la lettre des dispositions de l’article L. 611-15 du code de commerce.
En effet, contrairement à ce qu’invoquait le dirigeant, cet article n’opère aucune distinction entre les parties à la procédure de mandat ad hoc ou de conciliation d’une part, et les tiers d’autre part, puisqu’il vise toute personne qui y est appelée.
Les parties à la conciliation sont donc nécessairement concernées par l’obligation de confidentialité, y compris entre elles.
Par la présente décision, la Cour de cassation confirme donc la décision des juges du fond visant à écarter certaines pièces produites aux débats et relevant d’une violation de l’obligation de confidentialité.
La présente décision vient réaffirmer de plus fort le caractère absolu de l’obligation de confidentialité, qui doit être respecté tant au cours de la procédure de mandat ad hoc ou de conciliation, qu’après.
Cette solution se comprend d’autant mieux que l’attractivité des procédures de traitement des difficultés (mandat ad hoc et conciliation) repose essentiellement sur leur confidentialité. Elle rassure le chef d’entreprise, les partenaires et créanciers de l’entreprise en difficulté qui ne souhaitent pas nécessairement communiquer sur les difficultés rencontrées et sur les efforts consentis envers le débiteur.
En conclusion, la confidentialité contribue indéniablement à la sérénité des discussions dans ce type de procédure. Il est donc naturel que la Cour de cassation limite au maximum les règles dérogatoires à ce principe essentiel.
Droit des affaires 19